Découvrir les merveilles de la Patagonie Chilienne : Notre ''Trek W'' au Parc de Torres Del Paine

Certains noms de lieux mythiques ont une résonance toute particulière pour moi, et depuis les prémices de ma passion pour le plein air et les grands espaces, je peux dire que la Patagonie a toujours eu une place de choix dans la liste de mes aventures rêvées. Évocatrice d'une contrée lointaine, et de surcroit dans un continent suave et exotique, mon attrait pour cette région unique n'a cessé de croitre, propulsée au premier rang de mes objectifs alors que je rencontrais le chilien que je n'allais plus quitter.

Cinq années après avoir réussi à le convaincre de retourner découvrir à mes cotés cette merveille naturelle et ses défis, nous voilà à l'aube de l'année 2018 en route pour la Terre de Feu. En plus du vol d'une dizaine d'heures pour rejoindre la capitale Chilienne, un autre vol d'environ 4 heures supplémentaire est nécessaire pour atterrir à Punta Arenas, capitale de la région de Magallanes et de l'Antarctique chilien. Nous ne nous attardons pas dans cette ville qui présente peu d’intérêt pour nous, et nous devons par la suite prendre un bus pour environ 3 heures afin de remonter la Ruta 9 et rejoindre la petite ville de Puerto Natales, qui constitue essentiellement d'un lieu de passage pour les randonneurs en préparation pour le parc de Torres Del Paine. Le temps est gris et brumeux et participe à l'énergie toute particulière de ce lieu reculé ou s'alignent de basses habitations et d’où on peut apercevoir quelques massifs au sommet enneigé.

Quelques mots sur notre organisation du Trek W...

Nos réservations pour le trek, nous les avions complétées trois mois à l'avance au début d'octobre et nous étions pourtant limite ! Les refuges étaient déjà presque tous pleins, ce qui ne nous étonna pas étant donné qu'il s'agit de la période des fêtes correspondant à l'été chilien qui est des plus convoité pour effectuer le trek dans de bonnes conditions météos et avec une température acceptable - malgré la présence annuelle et quotidienne d'un vent puissant. Étant donné le prix excessif (environ 400 USD la nuit pour être en dortoir!) et le manque de disponibilité des refuges,  notre choix de bivouaquer en toute autonomie fut facile à prendre. Pourtant nous n'étions pas au bout de nos peines, car la réservation des emplacements de camping au sein du parc se fait via plusieurs compagnies privées différentes selon les secteurs. Alors que pour le secteur Est du trek nous parvenons rapidement à effectuer notre réservation en ligne avec Fantastico Sur, recevant rapidement le lien pour le paiement et la confirmation, une des nuits au départ du trek dans le secteur Ouest reste à confirmer et alors que nous harcelons par coups de téléphone et par courriel la compagnie Vertice Patagonia nous ne recevons aucune réponse pendant plus de 4 semaines... Lorsque nous réussissons finalement à les contacter, il ne reste bien sur plus aucune disponibilité pour les dates demandées pour camper dans le site choisi. Michel ne se laisse pas abattre et rédige un long courriel dans lequel il mettra en copie l'office du tourisme de la région ainsi que plusieurs journaux locaux et compagnies offrant des expéditions au sein du parc pour dénoncer les failles dans le système d'organisation et de réservation, et pour se plaindre de ne pas pouvoir profiter comme il l'entends des richesses de son pays, ainsi que de la honte d'offrir un si piètre service aux touristes internationaux. Quelle ne fut pas notre surprise de recevoir une dizaine de minutes après le courriel envoyé, un message de Vertice Patagonia nous offrant une place de camping pour le site et la date demandés, disponible comme par magie ! Bref, un conseil : si vous voulez vous attaquer au parc de Torres Del Paine, prenez-y vous bien en avance et plaignez-vous si on ne vous répond pas promptement !

Arrivée à Puerto Natales

La température est descendue d'une dizaine de degré par rapport à Santiago ou nous étions en manches courtes, et nous commençons à organiser nos sacs pour la semaine de trek qui nous attend. Avertis par notre précédente expérience de trek autour du Mont Blanc l'été précédent, nous soumettons religieusement chaque item potentiel à une règle implacable d'utilité immédiate afin d'alléger au mieux nos sacs à dos, dans la mesure ou cette fois-ci nous ne dormirons pas en refuge, mais en bivouac sous notre tente - qu'il faudra donc porter avec nous toute la semaine. À cela s'ajoute évidemment les sacs de couchage, matelas de sol et de la nourritures déshydratée en sachet pour 6 jours, matin midi et soir - le parc de Torres del Paine offre des repas au sein de refuges, mais leurs prix en USD sont tout simplement honteux et nous ont fait passer l'envie d'y gouter. L'auberge de jeunesse pour nous dormons pour notre dernière nuit civilisée offre gracieusement de nous garder le surplus de nos bagages que nous n'aurons pas à trainer avec nous pour marcher.

Le lendemain matin, alors que le jour commence à peine à poindre, l'excitation est palpable, nous soupesons nos sacs à dos une dernière fois et nous nous dirigeons vers la station de bus pour le dernier trajet d'environ 3h pour s'enfoncer dans le parc de Torres del Paine. Contrairement au jour précédent gris et pluvieux, cette journée s'annonce resplendissante et le ciel bleu est partout autour de nous. Nos yeux ne décollent pas de la vitre du bus et nous découvrons peu à peu l'étendue majestueuse du parc et quelques guanaco qui s'y baladent paisiblement.

Nous entrons dans le Parc de Torres del Paine

Malheureusement, chaque voyage comporte son lot d'aléas et mon état de santé se détériore rapidement alors que nous sommes dans le bus. La fièvre me gagne et mon corps est parcouru de frissons, tandis que ma tête est lourde et mon énergie se retrouve au plus bas. Une gène intestinale s'installe également et je dois accepter l'implacable vérité : j'ai du attraper une mauvaise bactérie et je ne suis pas en état de marcher ce jour-là.

Le bus nous fait passer par le Centre des Visiteurs et nous payons l'entrée du parc, qui se révèle bien plus dispendieuse pour moi, la gringa, que pour mon acolyte chilien qui bénéficie du prix des locaux. Nous devons regarder une courte vidéo qui explique les règles - assez strictes - du parc, notamment en termes d'utilisation des réchauds pour cuisiner (seuls certaines zones spécifiques autorisent leur usage). Nous devons compléter un formulaire pour indiquer notre itinéraire exact, et nous comprenons que les responsable du parc font leur possible pour limiter l'accès aux personnes qui n'auraient pas de réservations en refuge ni en camping et qui essayeraient de camper illégalement sur le site.

Alors que le bus nous dépose à l'endroit ou nous étions normalement censé prendre un catamaran d'une dizaine de minute pour commencer le trek et parcourir une dizaine de kilomètre pour rejoindre le site Grey, je suis à peine capable de marcher et malgré plusieurs Advil mon état ne s'améliore pas. Nous sommes perplexe, nous avons notre réservation pour le site Grey, et il n'y a aucuns hôtels dans le parc à moins de 500$ la nuit et je ne me sens pas non plus assez bien pour envisager de retourner 3h dans le bus pour rentrer à Puerto Natales. Heureusement, j'avais bien fait mes devoirs et je connaissais bien la seule autre option du parc pour rejoindre le site Grey sans marcher : le ferry du lac Grey, donc l'embarquement se fait dans une toute autre section du parc. Mais nous n'avons aucun moyen de rejoindre cet endroit, il n'y a bien sur aucun réseau et pas vraiment foule de véhicules sur ces routes si éloignées de toute civilisation. Par chance, nous voyons passer une petite navette sur laquelle je peux voir le nom de l’hôtel d’où part le ferry du lac Grey ! Je dis à Michel de courir le chercher et là, nous sommes sauvés ! Le chauffeur accepte sans problème le trajet moyennant finance, et nous voilà à nouveau en route, moi totalement affalée sur le siège arrière en train de me concentrer pour ne pas rajouter le mal des transports à mon état déjà peu avenant.

Sur la route, le chauffeur doit aller récupérer d'autres passagers, ce qui nous donne le loisir de découvrir une des plus belles vues du massif de Los Cuernos du parc. Le temps est magnifique et quelques petits nuages viennent à peine s'écharper aux sommets blancs. Cette vue insaisissable me fait oublier un peu mon état et nous sommes déjà conquit par la couleur turquoise du lac adjacent, et la beauté des monts qui s'offre à nous. Au fond de moi, je prie pour être capable de me rendre jusque là sans encombre, car nous n'avons même encore pas commencé à marcher !

La traversée en ferry du Lac Grey jusqu'au Camping Grey

Nous arrivons ensuite à l’hôtel Grey ou nous prenons nos tickets pour le ferry. Il s'agit d'une heure et demi de traversée du lac Grey pour rejoindre le site de camping, mais la plupart des personnes qui prennent ce bateau sont des touristes qui vont ensuite continuer la balade pour se rapprocher du glacier Grey et revenir dormir confortablement à l’hôtel. De ce fait, le montant de la traversée est hors de prix... Mais nous n'avons pas vraiment le choix et nous partons rejoindre le débarcadère.

Nous traversons une magnifique plage de galets longée par les abords du lac Grey qui tient son nom de sa couleur grise-bleutée, due aux sédiments sous-jacents. Le vent fouette déjà pas mal fort, et le soleil est haut dans le ciel. Je me sens un peu mieux et nous commençons a être vraiment excités par l'aventure qui commence dans ce cadre exceptionnel.

Une fois sur le bateau, nous peaufinons notre itinéraire pour le jour suivant - car oui, le lendemain, nous n'avons pas le choix de marcher pour rejoindre le site de camping suivant - et Michel se prépare pour une petite sortie en extérieur pour admirer les icebergs fluos qui flottent dans l'eau laiteuse.

Nous débarquons du bateau pour rejoindre notre premier site de camping Grey, surplombé par une imposante montagne. Nous installons notre tente et nous profitons des heures qui nous restent avant la nuit pour aller marcher jusqu'au mirador qui surplombe le glacier Grey, à quelques dizaines de minutes du site.

Nous arrivons sans grand effort au mirador et découvrons avec stupeur l'imposant glacier Grey et son camaieux gris turquoise. De magnifiques icebergs flottent proche du rocher ou nous nous posons pour profiter de ce moment de grâce, nous sommes seuls face à cette magnifique étendue de glace millénaire.

Au fur et à mesure de la journée qui avance, Michel commence malheureusement à montrer des signes de fatigue similaires aux miens : super, le voici malade également ! Nous nous coucherons tôt, pour être réveillés dans la nuit par la pluie - et les maux de ventre.

Mis à part notre condition intestinale, nous sommes vraiment chanceux de voir une nouvelle journée ensoleillée se présenter à nous. Il s'agit de notre première journée de marche et nous sommes un peu blêmes, mais le sentier est féérique, longeant le lac Grey et ses icebergs sur notre droite, et laissant voir les montagnes sur notre gauche.

Notre petite tente nous abritera pour notre première nuit - partiellement sous la pluie - et nous découvrons que les toilettes et douches disponibles sont très bien entretenues dans le parc pour les campeurs.

Étape du Camping Grey au Camping Frances

Les onzes premiers kilomètres sur un sentier sans grande difficulté nous mènent au Refuge Paine Grande qui repose aux abords de l'éclatant lac Pehoé, turquoise à souhait. Fourbus et sans force, nous nous abritons dans le petit bâtiment dans lequel nous sommes autorisés à faire usage de notre réchaud, protégés du vent violent à plus de 70 km qui nous secoue depuis le début de notre marche. Nous mangeons sans conviction le contenu de notre sachet déshydraté et Michel, épuisé par la maladie et le lourd poids de son sac - qui doit facilement doubler celui du mien - s'endort assis à la table.

Nous avons encore la moitié de notre trajet du jour à accomplir, nous devons donc reprendre la route, toujours soumis aux aléas du vent incessant qui freine nos faibles élans pour aller de l'avant. Alors que nous nous dirigeons sur le sentier pour rejoindre l'itinéraire du W, nous nous faisons arrêter par un garde forestier qui insiste pour voir nos réservations pour la nuit. Je l'assure que nous avons une réservation pour le camp Frances, mais il demande une preuve. N'ayant malheureusement pas accès au wi-fi dans cette pampa sauvage, je retourne sans grande conviction aux abord du refuge Paine Grande pour demander de l'aide. Après plusieurs dizaines de minutes d'attente et de relative mauvaise volonté de la part des 3 secrétaires latina qui glandent à la réception - et qui sont définitivement acheminés quotidiennement par catamaran et n'ont en rien le look ''randonneuses" - je finis à réussir à les faire prendre une photo de ma réservation, retrouvée sur leur ordinateur, avec mon cellulaire, que je présente finalement au garde forestier qui nous autorise enfin à continuer notre chemin...

La beauté du paysage reste heureusement incandescente, et constitue alors notre unique motivation pour continuer à marcher. Lacs irisés, végétation pliée par les vents, nos yeux se gorgent de souvenirs et de sensations, qui compensent la fatigue physique qui se fait douloureusement ressentir.

Nous nous éloignons des lacs pour s'enfoncer plus en foret et après la traversée de quelques courts d'eau ruisselant des glaciers qui nous surplombent, nous arrivons finalement au camping Frances.

Nous nous installons sur une plateforme et commencer à nous préparer pour dormir après avoir essayé d'ingérer notre repas du soir qui, d'après le sachet, consiste en un hachis parmentier mais ressemble à une bouillie informe. Nous sommes tellement épuisés que rien que le fait d’être au sec et de pouvoir ingérer un repas chaud s'apparente au Nirvana. De plus, ce site de camping offre des toilettes et douches hyper design carrément luxeuses ! On en profite pour se délasser dans l'eau chaude.

Aller-retour pour rejoindre les Miradors Frances & Birtannico

Après un réveil tout en lenteur, nous mangeons notre gruau, constatant que toute la nourriture préparée a une consistance similaire et peu avenante. Mais le gruau - préparé par mes soins et répartis dans de petits sachets individuels avant de partir de Montréal - est plein de noix et de canneberges, et il s'agit finalement (presque) de notre meilleur repas de la journée. Le temps qui apparait alors dégagé, menace de brusquement changer, et on découvre malheureusement des prévisions de précipitations qui risquent d'amenuiser nos chances d'avoir accès au panorama des deux miradors que nous nous apprêtons à rejoindre dans la journée. Nos déposons nos sacs et nos affaires inutiles dans notre tente, et nous partons, léger, pour faire l'aller-retour d'une quinzaine de kilomètres au départ du camping Frances.

Nous passons par le camping Italiano, ou les rangers nous confirment les prévisions de pluie et brume. Nous amorçons le sentier, qui comparativement à celui du jour précédent présente un dénivelé significativement plus conséquent.

Droit devant nous, nous faisons face à l'imposant glacier, dont nous pouvons entendre les craquements au cours de notre ascension. Il suffit d'un coup d’œil en arrière pour pouvoir également admirer le lac et ses reflets turquoises presque fluorescents. Comme toujours, le parc nous entoure de ses merveilles et on se sait ou donner de la tête.

Arrivés au premier mirador, le mirador Frances, le temps s'est bien assombri mais nous sommes au pied du glacier et restons longuement, le temps de pouvoir saisir quelques chutes de glace qui se détachent bruyamment de la masse glacière grisâtre dans un grondement sourd.

Nous dépassons ensuite ce premier massif rocheux pour se glisser dans une nouvelle vallée, donnant libre accès visuel à la superbe chaine montagneuse de Los Cuernos, avec ses découpes improbables et ses arrêtes poudrées de neige. Des portions de ciel bleu se découpent de la masse nuageuse qui s'agglutine autours des multiples sommets. Le panorama est incroyable !

L'acension finale jusqu'au second mirador, le mirador Britannico, s'effectue sans grande difficulté malgré une petite baisse d'énergie. Comme nous le craignons, il n'y a aucune zone qui autorise l'usage du réchaud sur toute la durée du parcours, et nous devrons attendre notre retour au camp Frances pour pouvoir se restaurer. Quelques barres de céréales et pâtes de fruits feront l'affaire pour apaiser notre ventres encore fragiles. En haut du mirador, le temps s'est couvert et nous abandonnons l'idée de pouvoir profiter du panorama attendu. Nous sommes satisfait de notre ascension, et le mauvais temps pour permet de profiter presque seul du sommet. Il faudra que la grèle nous déloge de notre rocher, pour que nous regagnons le chemin du retour.

Nous repassons par le même itinéraire qui continue de nous enchanter, cette fois-ci par la traversée d'une impressionnante foret d'arbres secs et blanchâtres dont l’enchevêtrement des branches cassantes est du plus bel effet.

Le camp Frances sera rejoint sous l'impulsion d'un dernier souffle, et nous y passerons une deuxième et dernière nuit avant de lever le camp pour notre point de chute suivant.

Étape du Camping Frances au Camping Las Torres 

Nous nous levons enfin en meilleur forme et nous avons la sensation que nous pouvons enfin vraiment profiter de notre aventure comme il se doit ! Pour couronner le tout, le soleil est de la partie et vient égayer notre début de journée, chaude et claire ! Une fois le sempiternel gruau avalé, c'est parti pour une superbe belle étape qui nous en mettra une fois de plus plein la vue.

Une fois sorti de la foret qui abrite le camp Frances, nous voilà à découvert, découvrant le petit sentier en balcon qui surplombe un magnifique lac aux couleurs envoutantes qui se définissent et s'estompent au passage de quelques nuages blancs, vite poussés par le vent.

Après une ou deux heures de descente, nous arrivons aux abords du lac Nordenskjol, sur une plage de galet, oasis de sérénité totalement inespéré ! Nous nous posons langoureusement sur les pierres chauffées par le soleil matinal et polies par les vagues occasionnées par le vent permanent, qui rend ce grand lac d'eau douce similaire à une petite mer intérieure, habitée de marrées incessantes. La chaleur du jour nous pousse même à enlever nos couches de laine mérinos, et nous fermons les yeux quelques minutes, savourant chaque particule de cette volupté bienvenue, venant balayer les moments difficiles des jours précédents.

Nous serions restés toute la journée à relaxer sur cette petite plage magique, mais le chemin qui nous reste à parcourir ne se fera pas sans nous, il faut repartir. Le sentier continue à longer, d'un peu plus haut, ce lac émeraude ensorcelant et le soleil continue à nous encourager de ses chaux rayons. La route est longue mais le sentier est très facile et peu dénivelé, et nous sommes heureux de retrouver notre rythme de croisière !

La dernière portion du chemin se dirige vers les plaines, après avoir un croisé un autre lac d'une toute autre couleur, d'un bleu plus profond. Nous arrivons à une grande étendue d’où nous pouvons apercevoir des groupes de chevaux qui permettent aux touristes moins agueris de découvrir sans effort les merveilles du parc.

Nous sentons définitivement que nous nous rapprochons de la civilisation. Effectivement, le sentier nous fait passer par l’hôtel de Las Torres et la route est toute proche. De nombreux visiteurs ne parcourent que cette portion du parc en venant des bus en provenance de Puerto Natales, et ne vont voir que les fameuses Las Torres, qui constituent notre bouquet final pour notre dernière grosse journée de marche le lendemain. Il y a donc beaucoup de monde, et nous ne résistons pas à poser nos fesses sur les confortables canapés du restaurant de l’hôtel. Nous nous délecterons de cocktails de fruits frais et d'un divin pastel de choclo, un gâteau au mais salé parfumé d'olives et de viandes, qui constitue notre premier repas vraiment solide depuis plusieurs jours !

Le camping Las Torres offre une très belle vue sur le massif et nous posons notre tente dans le grand champ prévu à cet effet. Le soir après avoir mangé et sympathisé avec quelques groupes de randonneurs fourbus, nous irons au refuge de Las Torres pour profiter d'une ambiance musicale et faire quelques mots croisés. Nous nous couchons assez tot car nous savons que le lendemain constitue l'étape la plus physique du W, et surtout qu'il ne faudra pas partir trop tard si nous ne voulons pas devoir dépasser une horde de touristes.

Étape du Camping Las Torres au Camping Chileno

C'est le grand jour ! Nous sommes excité par cette dernière étape et bien que les prévisions météos ne soient pas au rendez-vous nous partons sur le sentier qui ne cessera de monter jusqu'à une première étape au refuge Chileno après environ une heure d'ascension. Nous posons ici nos sacs à dos pour faire la dernière étape, plus longue, de deux heures, pour rejoindre notre objectif final, les fameuses tours de Las Torres, qui s'imposent - lorsqu'on a la chance de les voir - en contrechamps d'un lac glaciaire gris-bleu. L'ascension est un peu musclé et le dernier kilomètre se parcours carrément dans les éboulis.

En contre-bas, alors que nous étions encore dans la foret, je voyais Michel prendre quelques pauses et visiblement cueillir des fleurs sauvage le long du sentier. Je ne m'en étonnais pas plus que ça, connaissant son grand amour de la Nature, et je me disais en moi-même qu'il avait probablement décidé de constituer un herbier de la flore locale, en souvenir.

Lorsque nous arrivons au site de Las Torres, la déception de l'épaisse brume qui masque entièrement la vue sur les fameuses tours mythiques du parc et bien vite balancée par notre délectation à déguster à la cuillère le petit pot de dulce de leche que nous avions acheté à l’hôtel. Bienheureuse, posée sur une roche, en train de me ''sucrer le bec '', je remarquais que Michel prenait du temps à soi-disant détacher ses lacets de chaussures. À cet instant, me rappelant également de la cueillette quelques instants plus tôt, et lui trouvant un air cachottier, commençait à se dessiner en moi une réjouissante possibilité... Mais non, ce n'était pas possible qu'il ait ÇA en tête... Il fallu me forcer à reprendre mes esprits pour ne pas plonger dans cette perspective et je me forçais à ne pas paraitre trop troublée et à continuer mon plaisir de dégustation.

Puis Michel m'indiqua de me positionner sur une roche, plus proche du petit lac gris-bleu, pour prendre quelques photos avec notre go-pro (la pluie commençait à se faire sentir, et mon appareil photo ne fonctionnait plus trop suite à une chute le soir précédent). Comme à notre habitude, nous aimons faire de petites vidéos de nos aventures, donc cela ne me perturbe pas plus que ça de le voir allumer la go-pro pour me filmer et de venir me rejoindre alors que la go-pro tourne toujours...

Je vois Michel se positionner face à moi sur le rocher, un genou à terre, et je n'en crois tout simplement pas mes yeux... Il est VRAIMENT en train de le faire, là, ici !!!! Il a l'air visiblement autant ému que moi et commence à me parler, me remerciant de l'avoir emmené jusque ici, et indiquant son désir de continuer à avancer dans la vie et dans nos aventures, moi en tant que sa femme ! Je ne peux plus retenir mes larmes et mon émotion, qui n'est qu'amplifiée par la vision de cette petite bague délicate qu'il a bricolé de ses mains à partir d'une jolie fleur sauvage ramassée sur le sentier en contrebas. Il glisse le délectable objet autour de l'annulaire gauche et s'empresse de demander une réponse - je réalise que dans le tourbillon de sève qui m'avait emporté dans un état émotionnel d'une grande intensité, j'en avais oublié de donner une réponse à cette magnifique demande ! Je m'empressais de répondre l'évidence de mon ''oui'' - et ce, dans plusieurs langues - et je pense bien que plusieurs longues minutes passèrent ainsi, enlacés sous une pluie de plus en plus significative, entouré de dizaines de randonneurs contemplatifs, le temps s'est arrêté. Nous sortons subitement de cette torpeur passagère pour rejoindre nos affaires et amorcer la redescente, qui me sembla d'une douceur déconcertante, du haut du petit nuage rose dans lequel je m'étais lovée.

Nous passons une agréable soirée au refuge - ici pas le droit de cuisiner pour soi - et Michel est fier d'annoncer aux randonneurs inconnus qui partagent notre table, que j'ai répondu oui à sa grande question. Je m'endors dans les bras de mon futur mari et je suis au paradis, collée contre lui dans notre petite tente humide, confortablement entourés du duvet de canard de nos deux sacs de couchage zippés ensemble pour l'éternité - ou quelque chose comme ça.

Étape finale du Camping Chileno au Camping Las Torres

Le lendemain, nous n'avons qu'une ou deux heures de marche pour redescendre prendre la navette, qui nous conduira au bus qui nous conduira à un autre bus qui nous conduira à l'aéroport...et pourtant, j'ai des ailes ! Je gambade légèrement malgré mon sac à dos, j'oublie mes genoux fragiles, et je commence déjà à tout planifier pour notre grand jour ! Michel est relativement décontenancé par mon intensité - mais il me connait assez pour ne pas être tant étonné - mais joue le jeu et exige des bars à cigares, de fontaines de chocolat et des grosses meules de fromage car d'après lui, on ne peut marier une française sans fromage. Une fois rendu à l'hotel de Torres, je trépigne. Je cours payer une demi-heure de wi-fi pour pouvoir annoncer la nouvelle en exclusivité à ma famille afin de partager avec eux mon bonheur.

Retour à Puerto Natales, puis Punta Arenas - départ du Chili

Nous prenons donc ensuite la navette pour rejoindre Laguna Amarga, pour prendre le bus pour Puerto Natales, pour prendre un second bus pour Punta Arenas. Nous passerons une nuit à Punta Arenas - une nuit dans un vrai lit : un must, malgré la rusticité de la petit chambre aux relents d'humidité. Je goute pour la première fois au crabe royal, le délicieux centolla, qui fait bien de l'ombre à nos sachets déshydratés ! Comme à chaque retour d'aventure, les petites choses simples de la civilisation sont autant d'éléments de confort qui nous paraissent d'un luxe absolu et nous en profitons avec volupté. Au réveil, nous prendrons un premier vol qui nous fera retourner à Santiago, pour ensuite prendre notre long vol jusqu'à Toronto et enfin rentrer avec un dernier court vol pour Montréal.

Par chance, me voilà bientot chilienne par alliance, et j'ai les meilleurs raisons du monde pour y retourner :)