Écrire, c'est ranger le vrac de sa vie - 336 réels à prise rapide
Published on October 2 2015
un exercice de style qui varie chaque jour avec une consigne thématique imposée. Inspiré par Raymond Queneau, il s'agit de rédiger chaque jour un cours texte de moins de 100 mots, sur le vif, avec interdiction d'inventer ou de se référer à des journées antérieures. Tout en restant fidèle au réel, à chacun son angle de vue !
Ma tête en l'air est à chaque seconde traversée de tellement de pensées plus ou moins saugrenues, j'ai décidé d'essayer de relever le défi et de mettre "sur le papier" quelques brides d'images mentales quotidiennes.
5 septembre - Carrelage
Le carrelage de ma cuisine
En noir et blanc se dessine
Mon chat oisif s'y languit
Pendant que dans le four mon crumble cuit
8 septembre - Croire que
Lorsqu'on s'est donné corps et âme, que l'on a mis pour quelques mois sa vie en parenthèse, que l'on a extrait de notre matière grise tout le suc neuronal inimaginable,...il faut ensuite subir la cruelle attente du couperet final qui viendra claironner la victoire où sonner le glas de l'échec. Alors, il ne reste plus qu'à y croire très fort !
9 septembre - Reflet
Le mirage du miroir laisse paraître le reflet de mon être inversé faisant face à ma face, mes yeux dans mes yeux, offrant une reproduction fidèle de mes contours et mes courbes, de mes volumes et mes creux, le tout qui s'anime sur la froide surface plate et sans âme qui trône au dessus de l'évier de ma salle de bain.
10 septembre - Contenu et contenant
Mon petit tupperware d'aujourd'hui fait triste figure avec son couvercle de plastique bleuâtre ramolli et sa surface irrégulière, passablement fondue par un terrible accident domestique de rond-de-poêle malencontreusement allumé.
Pourtant, pour les plus braves qui s'aventureront à l'entrouvrir un peu, quelle ne sera pas leur émoi d'y retrouver un délicieux gateau aux pêches, fondant et savoureux.
Tant pis pour les snobs avec leurs super boites-à lunch de compétition en acier brossé, mon tupperware à moi, il a du vécu, de l’âme.
11 septembre - Écran
Je passe mes journées à plonger dans sa fluorescence.
Sa lumière m'allume, ses mélodies m'animent.
Je suis à la fois hypnotisée par son infinité et abrutie par son pouvoir addictif insondable.
Maudit ordinateur.
14 septembre - Un gros mot
Saperlip'ostie de pluie-qui-mouille-mon-lundi. Fini les galipettes nues dans l'herbe chaude, et bonjour les flaques glauques dans lesquelles se reflètent nos mines grises.
15 septembre - Agacé de
Si il y a bien quelque chose qui me rend chose, c'est l'agacement chronique qui s'invite, comme un parasite qui m'irrite.
16 septembre - Une affiche
Ma chambre d'ado plus ou moins prépubère : Au-delà du monticule de linge qui prennait racine sur une proportion déraisonnable de l'espace au sol, on se laissait facilement enivrer par les multiples affiches hétéroclites qui s'étalait sur la surface invisible des 4 murs. Une légende urbaine raconte même que les-dits-murs étaient blancs il fut un jour.
17 septembre - Dommage
Un curieux mélange de ravissement et de desespoir à la vue du ciel rose vanillé à la sortie du travail. D'abord charmée par la douceur irisée du paysage digne des plus grands expressionistes, un sentiment d'inquiétude s'empare soudain de tout mon être, et je réalise brutalement l'inaltérable raccourcissement des jours clairs qui laisseront bientôt place à la froideur glaciale et grise de l'hiver. Dommage que la vie ne soit pas qu'un long été.
21 septembre - Pas envie de
L'envie comme la sève qui alimente les lubies, l'étincelle qui allume les sens ? Pas aujourd'hui.
22 septembre - Quatres murs
Passer mes journées dans la froide lumière artificielle de mon petite cubicule. Je suis dangereusement cernée par des structures opaques qui entravent mes mouvements et filtrent la lumière du jour. L'air qui pénètre mes narines assoiffées de la douce brise d'extérieure n'est qu'une pale copie oxygénée en provenance du réseau de climatisation. Heure après heure, minute après minute, j’attends fébrilement le précieux décompte qui me délivrera enfin dans les espaces infinis, chevauchant mon fidèle vélo vers de meilleurs horizons.
23 septembre - Ça tombe
En quelques syllabes maladroitement agencées dans un français québeco-grec douteux par le Chirurgien-Tout-Puissant, le lourd couperet du diagnostic s'abat sans pitié sur les miettes d'espoir qui se tarissent dans le triste regard de cet homme condamné. "Cancer." "Chirurgie." "Chimiothérapie". Violence verbale extreme, les yeux de l'épouse qui s'humectent, leur fille qui quitte discrètement la piece prétexant une légère indisposition. Un mercredi comme les autres.
24 septembre - Nouvelle connexion neuronale
La plasticité synaptique n'aura jamais fini de m'étonner. La tortuosité embrouillée de nos cellules nerveuse se dessine telle une dentelle complexe, une fractale délicate, un réseau hyperconnecté laissant libre cours au flux ininterrompu de nos stimuli cognitifs et neurosensoriels. Mes neurones se connectent donc je pense, j'agis, je réagis, je suis.
25 septembre - où étiez-vous entre 13h et 13h 05 ? Que faisiez-vous ? Vous avez un alibi ?
Je ne parlerais qu'en présence de mon avocat.
26 septembre - Un meuble a des formes
Quatres chaises et une table IKEA. Barreaux d'échelles, surfaces planes et lisses, on se glisse, on rampe et on enjambe, un petit parcours improvisé parfait pour une aventure chaotique d'un bébé à la chasse au chat-sans-queue.
27 septembre - Pour ligne d'horizon
Petit moment d'éternité lorsque les astres se croisent, le rougeoiement nous éclabousse un peu de poussière divine, nos yeux avides fixent l’au-delà.
28 septembre - Derrière la vitre
Du gris, du beige, du terne, du fade, du maussade, du triste, du déprimant. Fini les pauses-lunchs ensoleillées, accompagnées de leurs micro-siestes buissonières dans l'herbe alentour. Me voilà condamnée à scruter l'extérieur, du mauvais coté de la fenêtre, la grisaille semble quasiment un incitatif au travail, gommant mon élan quotidien vers les grands espaces de liberté.
29 septembre - J'ai fait de mes mains
Miette par miette, j'ai péniblement assemblé les morceaux disparates et hétéroclites pour confectionner minutieusement une petite échelle fragile et chancelante. Je me suis hissée tant bien que mal sur le premier échelon pour y tester la stabilité, et j'ai souvent cru dégringoler au sol. Aujourd'hui, j'ai enfin réussi à attraper d'une main confiante l’échelon suivant, non sans vertiges. Je l'observe depuis assez longtemps pour en connaitre les moindres paramètres, je ne lâcherais pas.
30 septembre - Un amical
Je me laisse envelopper dans la douce légèreté de ces retrouvailles improvisées, autour d'une bonne nouvelle. Plusieurs années sans se voir, de l'eau a coulé et a eu le temps pour plusieurs gel et dégel sous les ponts, et je retrouve le singulier plaisir de partager sur la pluie, le beau temps qui passe, et je me sens bien, à nouveau à ma place.