Incredible India : Le choc mystique de Varanasi - exaltation et stupeur au bord du Gange

Ancienne Bénares, cette ville mythique est la plus sainte des cités sacrées de l'hindousime et du boudhisme. Centre culturel et religieux du Nord de l'Inde depuis plusieurs milliers d'années, les fidèles s'y retrouvent pour passer de vie à trepas, persuadé d'y trouver ainsi le salut de leur âme.

Sur la route qui relie l'aéroport au coeur de cette cité ancestrale, il règne déjà une atmosphère dense et étourdissante. 

À cause de l'embouteillage perpétuel qui s'intensifie au fur et à mesure de notre lente progression sur l'artère principale du Chowk, notre chauffeur de taxi nous abandonnera sur le bas-côté, chargé de nos sacs à dos, pour nous laisser nous faufiler dans le dédale de ruelles étroite de terre battue, dans lesquelles on s'attend à tout moment de tomber né à né avec une vache sacrée.

Nous logerons pour quelques jours au Marigold Guest House, accueillis chaleureusement par Sonu, qui contribua grandement à la fluidité de notre séjour, en plus de nous sauver d'une potentielle attaque inopinée de petits singes hargneux traînant sur le toit de l'hôtel d'où nous pouvons commencer à voir le fleuve sacré. La chambre est au comble du kitsch mais propre, et ne se situe  qu'à quelques minutes du Dashashawmedh ghat où se produit l'essentiel des célébrations rituelles quotidiennes du Gange.

Arrivés à la tombée de la nuit, nous plongeons rapidement dans notre aventure initiatique en assistant à la cérémonie d'Aarti qui se produit chaque soir et chaque matin en grandes pompes.

Des centaines de fidèles se regroupent quotidiennement, en transe, autour de ce rituel traditionnel, bercé par les cloches et un chant liturgique intense, pendant lequel de jeunes moines effectuent une chorégraphie millimétrée qui aboutit aux offrandes de fleurs et de bougies à la rivière sainte.

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Il est 5 heures du matin et de la multitudes de temples de la ville s'élèvent déjà les chants hypnotisants qui accompagnent notre réveil et nous attirent sur les bords du Gange, où de nombreuses familles de pélerins entament déjà leurs rituels d'ablution dans les eaux calme de la rivière sacrée malgré une pollution omniprésente.

Nous embarquerons pour une longue traversée à bord d'une barque qui longera la magnificience des ghats - ses fameuses marches qui permettent l'accès à l'eau - et de leurs temples, léchés par la lumière dorée du début du jour, dans une eau immobile.

En plus d'une centaines de mouettes qui voltigent au dessus de nos têtes, nous croiserons sur le fleuve une barque accueillant un pèlerinage de moines boudhistes tout de orange vêtus et armés de leurs iPhones pour immortaliser leur balade sacrée.

Michel se risquera à tremper sa main dans l'eau du Gange... une décision discutable si on pense aux nombreux corps en décomposition et aux déchets présents dans cette décharge aqueuse à ciel ouvert. De manière assez singulière, plusieurs biochimistes indiens maintiennent qu'une bactérie spéciale présente dans le fleuve permettrait de purifier l'eau et de la rendre ainsi buvable. D'ailleurs, la plupart des fidèles se brossent vigoureusement les dents avec l'eau du Gange lors de leurs ablutions, et ramènent chez eux des bouteilles en plastiques remplies d'eau - cela apporterait bonheur et prospérité...

Nous poserons le pied à terre sur la rive sablonneuse qui fait face à la ville, escale pour de nombreux fidèles qui arrivent à pied ou en chameau de la cité voisine qui se situe à plusieurs kilomètres. Une atmosphère envoutante et unique nous entoure, alors que le soleil s'élève et que nous nous réchauffons avec le traditionnel chai. De ce côté-là également, la pollution est omniprésente et de nombreux déchets jonchent les dunes dorées.

Alors que nous retournons à notre point de départ sur la rive des ghats, nous constatons rapidement que l'occupation des abords du fleuve s'est largement accentuée depuis notre départ au petit matin, et des centaines de familles se déshabillent, se lavent, se frottent et se rhabillent sur les larges marches en pierre qui bordent l'eau.

Alors que nous foulons à nouveau la terre ferme, nous nous laissons docilement envouter par la magie de la cité et nous marcherons plusieurs heures, sans but précis, suivant tour à tour quelques vaches nonchalantes, observant la singularité de la vie spirituelle hindoue à son paroxysme.

Nous nous arrêterons une petite heure perchés sur une terrasse ensoleillée surplombant la rive et nous permettant de décanter un peu de notre traversée fluviale du matin. Il faut dire que la journée a commencé très tôt et qu'au détour de la balade, nous nous sommes retrouvés nez-à-nez avec un corps flottant non loin de nous...

Dès que l'on s'éloigne de la rivière sacrée et que l'on dépasse les ruelles, nous nous retrouvons dans le coeur palpitant du Chowk, avenue vibrante et assourdissante où l'on se sent aspiré par ce tourbillon de vie, palpitant et peu supportable. 

De retour dans les ruelles délabrées, nous suivront un long moment sans le savoir une longue file de femmes hindoues en pèlerinage devant marcher pied nus sur un circuit sacré de 100 kilomètres rejoignant un à un les centaines de temples qui veillent sur la cité. Nos corps fébriles chercheront le réconfort du meilleur lassi de l'Inde pour continuer cette nage incroyable dans les eaux mystiques de la ville.

Notre marche contemplative nous mènera presque sans le vouloir jusqu'au fascinant ghat des crémations, lieu le plus mystique de toute la ville où brûlent jours et nuit des dizaines de corps grâce au feu sacré de Shiva. Ces défunts, selon les rituels sacrés de l'hindouisme gagnent ainsi le salut de leur âme.

Nul ne peut être vraiment préparé à faire face à ce mélange unique entre la vie et la mort, entre l'insalubrité désolante des décharges à ciel ouvert et la grandeur sacré des temples enluminés, entre la singulière torpeur entourant la crémation des corps et la splendeur lyrique des psaumes scandés lors des cérémonies au bord du Gange. Lorsque le mental est dépassé et ne sait plus comment réagir, il ne reste qu'à être présent, dans l'observation contemplative de notre perplexité, et de se laisser porter sans à priori par ce monde mystique se retrouvant aux antipodes de notre vie occidentale si obtue et confortable.

Nous continuons notre journée dans le dédale de ruelles délabrées bordant le fleuve.

Nos corps fébriles chercheront ensuite le réconfort du meilleur lassi de l'Inde (Blue Lassi Shop) pour continuer cette nage incroyable dans les eaux méandres de la ville.

Nous retrouvons finalement un peu de calme lors de notre tout premier cours de tabla, un instrument traditionnel de musique classique de l'Inde du Nord. Nous nous présentons sans rendez-vous au International Music Center Ashram de Varanasi et en quelques minutes nous nous retrouvons avec un des meilleurs joueurs de tabla de la ville qui nous apprend les rudiments de son art.

Le lendemain, nous continuons nos déambulations dans d'autres secteurs de la ville, vers Assi ghat.

Lors de notre dernier jour dans cette ville, je réalise alors un rêve de toute une vie et me voilà prise en charge par deux femmes du quartier pour une préparation selon les rituels du mariage indien. Maquillage ostentatoire, bijoux rutilants et savant drapage de sari, je suis prête pour vivre mon conte de fée romantique sur la rivière du Gange, bollywwod style !

Plus d'un an après notre retour à Montréal, je dois dire que l'émotion est intacte lorsque je me replonge dans les vidéos et photos de cette ville unique... Cela restera le temps fort de notre voyage de noce, entre émerveillement et stupéfaction : cette ville ne peut pas laisser indifférent.